Nous avons été là, comme d’habitude. Et le plus important, c’était ce public merveilleux qui croit et croit. Croire en nombre important. Parce que désormais, les guinéens n’ont plus de complexe. Ils parlent d’eux-mêmes et de leurs problèmes. Ils veulent se faire entendre sur tous les sujets. Ils ne le font pas tout simplement parce qu’ils veulent qu’on les entende, mais pour faire changer des choses. Ils appartiennent à ce pays et ils veulent qu’on sache qu’ils l’aiment profondément. Ils s’expriment librement et sans hésitation, ils interpellent l’Etat. Ils s’interpellent eux-mêmes. Et maintenant, ils continuent d’espérer que les multiples dénonciations leur permettent de voir le changement.
Nous avons été là, pour respecter notre promesse, d’informer sans cesse. Donner la parole à ceux qui souhaitent la prendre. Ceux qui sont victimes de violence et d’injustice. Ceux qui n’ont pas accès aux tribunaux, faute de moyens et de bras longs. Ceux qui sont victimes du mépris de ceux qui exercent l’essentiel des pouvoirs. Ceux qui sont victimes de mensonge et qui veulent dire leurs ressentis. Ils ont la parole pour dire et réclamer leur droit à la justice et à la protection. Ils se réveillent avec nous et ils restent présents toute la journée. La nuit tardive, ils veulent apprendre ce qui se dit et se fait.
Nous avons été là. Pour ces cadres de l’administration qui sont conscients qu’il y a des erreurs. Des insuffisances et qui prennent conscience qu’ils démissionnent. Ceux qui disent en toute responsabilité leur volonté de rompre avec les pratiques surannées. Ceux qui acceptent de se confier et d’aider à faire connaître la vérité sur certains sujets précis. Ceux qui s’opposent aux détournements et qui combattent à la limite de leurs possibilités, les traditions d’une certaine époque, contraires à la morale et à toute orthodoxie financière.

Nous avons été là. Pour ces jeunes apprenants qui réclament des cadres appropriés pour s’instruire. Des établissements propres et suffisamment outillés. Ces jeunes qui traversent des kilomètres sur des sentiers en zone rurale pour accéder au savoir. Ces jeunes qu’on a vu apprendre dans les hangars et qui tous les jours remplissent leurs estomacs d’eaux impropres. Ces jeunes en manque du minimum vital, presqu’affamés, obligés d’affronter les mêmes épreuves que leurs collègues des centres urbains. Ceux qui n’ont pas de bibliothèques et ne connaissent pas internet, mais obligés de faire face aux défis du moment. Ceux qui pleurent leur précarité dans le silence, espérant un jour franchir tous les paliers.
Nous avons été là, pour les indigents dans les hôpitaux. Ceux qui souffrent des maux, pas nécessairement incurables, mais qui ne sont pas pris en charge. Ceux qui doivent à côté trouver d’énormes sommes d’argent pour se faire prendre en charge au Sénégal, en Tunisie, au Maroc ou en Europe. Nous avons été là pour ces agents de santé, dont les conditions de travail ne permettent pas d’offrir les services de qualité. C’est pour eux nous sommes là. Et pour eux, nous ne ressentons aucun découragement. Parce qu’ils doivent garder cet espoir. Pour eux et pour les femmes rurales dont la maternité dépend de Dieu et des matrones, nous continuerons à chauffer les tympans.