La Préfecture de Gueckédou est une subdivision administrative de la région de NZérékoré, en République de Guinée au carrefour des frontières libérienne et sierra léonaise. Elle est subdivisée en onze (11) sous-préfectures : Gueckédou centre, Bolodou, Fangamadou, Guélo NFaly, Guendembou, Kassadou, Koundou, Nongoa, Ouéndé-Kèndèma, Tékoulo et Temessadou Djigbo. Le chef-lieu est la ville de Gueckédou.
Au début du XXIe siècle, Gueckédou et ses environs sont le théâtre de combats lorsque des rebelles venus du Liberia y affrontent l’armée guinéenne. Après une première incursion subie par la sous-préfecture de Tékoulo le 27 novembre 2000, la ville de Gueckédou est attaquée à son tour le 6 décembre 2000. Les hommes du Mouvement de Libération Uni pour la Démocratie au Libéria (ULIMO) occupent la partie de la ville la plus proche de la frontière, celle qui abrite les principaux bâtiments administratifs (préfecture, mairie, Justice, Archives, etc.), ainsi que la gendarmerie et l’hôpital préfectoral. Cette occupation entraîne un mouvement de populations vers des localités du nord et le retrait des ONG qui assistaient quelque 200 000 réfugiés vivant dans la préfecture. La ville est reprise par l’armée guinéenne au début du mois de février 2001. Les impacts de cette triste réalité donnent jusquà présent le visage dune ville martyre.
On pourrait dire que Gueckédou a toujours été une ville paisible fruit dune éducation saine des générations et dun engagement concret des parents et des éducateurs. Un brassage ethnique, culturel et religieux a permis une cohésion sociale des populations de la Préfecture. Ces populations pratiquant des religions monothéistes notamment le Christianisme et lIslam ainsi que lanimisme, religion traditionnelle cohabitent et vivent une véritable paix depuis des siècles.
Cependant, les guerres de rébellion survenues dans les pays frontaliers notamment le Libéria et la Sierra Leone ont eu des répercussions négatives sur lensemble de la population de Gueckédou. Les conséquences sont très regrettables et difficilement mesurables. De nombreux réfugiés ayant fui ces hostilités et les crimes odieux au Libéria et en Sierra Leone ont longtemps séjourné en grand nombre plus de 10 ans à Gueckédou. Les activités socio-économiques ne différant pas tellement de celles des populations autochtones, les réfugiés pour la plupart ont vite intégré les communautés locales de leur terre dasile. Cette réalité a causé un surpeuplement à Gueckédou et lécosystème en a payé les frais de la surexploitation des forêts, des terres, de leau et de lespace. Tout cela n’avait presque provoqué aucun dommage dans les rapports sociaux entre ces différentes communautés. Un climat de paix animait toutes les couches sociales des différentes populations (autochtones et réfugiées).
Malheureusement la nuit du 5 au 6 décembre 2000 va tout bouleversé. Un changement inattendu va être opéré car la ville de Gueckédou a été attaquée par une bande armée en provenance du Liberia. Tous les habitants de la ville et des villages environnants (bébés, enfants, jeunes, femmes, hommes, personnes âgées et malades) sont pris de panique et complètement désemparés.
Les morts ont été enregistrés en grand nombre. Au petit de matin du 7 décembre, la BBC avait annoncé quelques 700 morts. Les blessés sont comptés en milliers et sont incapables de joindre les structures sanitaires de la ville. On pouvait noter ces actes ignominieux : barrages faits dintestins humains, vandalismes systématiques des biens publics et privés, assassinats des personnes invalides et des psychotiques, infiltrations des assaillants dans les lieux de culte et assassinat dImams, etc. Je me souviens bien que la veille j’avais une constipation qui mavait empêché de manger. Mais du début des opérations de tirs de balles aux environs de 1 heure du matin jusquà ma sortie du cachot à 10 heures, javais vidé presque tout mon vendre de son contenu. Là-bas, les seaux qui avaient servi de pots pour évacuer nos urines étaient utilisés par tout le monde sans exception aucune et personne ne se cachait de lautre car cela navait point de considération.
Puisque j’habitais au cœur de la ville dans le quartier appelé Sandia, jai craint de vite sortir la nuit et traverser la ville par souci de ne pas être victime. Il faut dire que si certains ont été tués à bout portant, dautres par contre ont reçu des balles perdues qui ont été fatales pour eux. Cette barbarie est difficile à raconter car elle est indigne de nous et déshumanisante. Papa Samuel à travers sa fille Pascaline ma reçu chez lui dans ma panique évanescente. La longue et abominable nuit nous avait conduit jusquà 10 heures et cest tout. Ce nest quen février 2001 que lai retrouvé à Conakry. Sorti de la ville à 11 heures, mon aventure désespérée ma conduit jusquà Gbembédou Boloma chez Vieux le gendarme. Sur un chemin périlleux, jai traversé près de vingt villages à savoir Kamalo, Tolo Bèngu, Somndou, Massakondou, Sooro, Tyiessèneye, Guèndembou et Dombadou pour le premier périple puis Köladou, Dakadou, Koma, Gbembédou Boloma pour le deuxième et Komalö, Kondiadou, Hèyakö-Körödou (un quartier de Kissidougou ville) pour une meilleure destination. Cest un mois après que ma famille a eu des nouvelles sur mon existence mais très loin du terroir natal.
Plus tard, les incursions rebelles se sont multipliées avec des assaillants venant aussi de la Sierra Leone attaquant dautres localités de la Préfecture (Tékoulo, Nongoa, Kassadou etc.).
Les attaques ont continué jusquen 2001. Lavancée de la violence a fini par chasser les populations urbaines. Lobjectif des assaillants étant de piller la ville, la dépouiller de tout son contenu et avancer vers les zones minières de Bandakörö dans Kérouané après Kissidougou. Ainsi, sur leur passage, bâtiments publics et privés à caractère dhabitation ou administratif, sites patrimoniaux et autres mobiliers ont été innocemment saccagés. Que de personnes tuées sauvagement pour accéder aux biens matériels recherchés par ces assaillants ! Quand les attaques ont été très intenses prenant une forme répétitive et illimitée, Gueckédou a été déclarée par les autorités gouvernementales comme une ville occupée par les bandes armées. Elle a été indexée comme zone tampon ou zone rouge par les institutions humanitaires internationales. Ainsi, il a été décidé par les autorités de l’État guinéen de la bombarder afin de la libérer des mains de ces assaillants. A l’application de cette mesure, les personnes, les biens publics et privés mobiliers et immobiliers ont été détruits pendant les bombardements. Il est difficile destimer arithmétiquement les énormes pertes sur le plan humain, économique et social. Cette réalité a ébranlé le climat jadis paisible de la Préfecture de Gueckédou. L’un des patrimoines local qui a payé les frais regrettables est la direction préfectorale des archives qui a été complètement saccagée et son fonds pillé.
Le sort injuste infligé à ce patrimoine préfectoral commun ma poussé à faire des recherches pour livrer un ouvrage intitulé : « Conservation et valorisation du patrimoine archivistique de Gueckédou » publié en 2016 aux Editions Universitaires Européennes et disponible sur LaboutiqueAfricaVivre.
Après ma publication en 2020 : « Ma version des faits », un témoignage sur la première incursion rebelle dans la ville de Gueckédou la nuit au 5 au 6 décembre 2000, je propose cette nouvelle page aux passionnés de la lecture pour information.
Je signale que Gueckédou n’a pas été le seul foyer de cette page sombre de lhistoire de notre pays. On peut citer entre autres : Massadou, Balizia (Préfecture de Macenta) et Macenta ville, Tékoulo, Kassadou, Nongoa (Préfecture de Gueckédou), Yèndè Millimou, Héyakö, Dembadou, (Préfecture de Kissidougou) et Kissidougou ville, Pamélap (Préfecture de Forécariah) et Madina Oula (Préfecture de Kindia). Il faut bien noter que les victimes de ces différentes incursions rebelles n’ont pas été seulement que des civiles mais aussi des forces de défense et de sécurité ainsi que des jeunes volontaires.
Des officiers comme le Colonel Sama Panival Bangoura figurent sur cette liste.
En conclusion on pourrait dire que les guerres civiles survenues au Liberia et en Sierra Leone ont été des événements jamais connus dans la sous-région. Les conséquences ont traversé les frontières terrestres et la Guinée en a été la plus grande victime. La Préfecture de Gueckédou a été le bastion d’un théâtre de bavures inimaginables malgré l’hospitalité quelle a offerte aux réfugiés venus du Libéria et de la Sierra Leone. Les impacts rappelant les mauvais souvenirs des incursions rebelles dans la ville de Gueckédou n’ont pas pu être effacés jusquà présent. Pires, aucune commémoration locale ou nationale nest jusque-là initiée par les autorités préfectorales ou nationales. Il faut dire que cette page de lhistoire de Gueckédou a un sens profond et significatif qui interpelle les uns et les autres à poser des actes concrets pour des générations présentes et futures.
Toutefois, dans mes réflexions voici quelques questions qui taraudent toujours mon esprit :
Qui sont les vrais commanditaires de ces incursions rebelles ?
Pourquoi un tel projet machiavélique et à qui a-t-il profité ?
Peut-on porter une plainte contre les commanditaires ?
Qui était Mohamed Lamine Fofana (porte-parole des factions rebelles à lépoque) et où est-il aujourdhui ?
Les victimes de ces tragédies seront-elles indemnisées un jour ?
Où sont passées toutes les aides annoncées par la communauté internationale après la victoire sur les assaillants ?
À quand la reconstruction de la ville de Gueckédou toujours sinistrée ?
Joseph Fodé TELLIANO