Au pouvoir depuis douze ans, le chef du gouvernement hongrois a revendiqué ce dimanche « une victoire exceptionnelle » au soir des élections législatives. Son parti, le Fidesz, recueillait 55,75% des voix après le dépouillement de près de 60% des bulletins.
Les analystes avaient prédit une bataille serrée comme jamais. Car pour la première fois depuis l’arrivée au pouvoir de Viktor Orban il y a douze ans, se dressait face à lui une alliance inédite de six partis allant de la gauche à la droite. Mais selon des résultats partiels communiqués par le Bureau national électoral, le parti du Premier ministre, le Fidesz, était ce dimanche soir en tête des élections législatives avec 54,24% des voix après le dépouillement de 77% des bulletins, contre 33,92% pour l’opposition.
« Nous avons remporté une victoire exceptionnelle. Une victoire si grande qu’on peut sans doute la voir depuis la lune, et en tout cas certainement depuis Bruxelles », a déclaré tout sourire et sous les applaudissements de quelques centaines de partisans réunis dans le centre de Budapest, Viktor Orban, habitué des bras de fer avec l’UE.
À 22h TU, son adversaire Peter Marki-Zay n’avait toujours pas pris la parole. En glissant son bulletin dans l’urne aux côtés de sa famille, ce maire conservateur de 49 ans avait dénoncé plus tôt « des conditions injustes et impossibles » visant à permettre à son rival de « rester éternellement au pouvoir ». Et de citer des médias publics à la botte du gouvernement – lui-même a eu droit à seulement cinq minutes d’antenne à la télévision publique, en tout et pour tout.
Deux tiers des sièges du Parlement
Si la victoire du Premier ministre sortant était annoncée : c’est son ampleur qui a surpris. Les résultats finaux seront connus à la fin de la semaine, quand les votes des Hongrois de l’étranger seront arrivés. Mais le parti de Viktor Orban pourrait conserver les deux tiers des sièges au Parlement.
Pourquoi un tel raz-de-marée alors que l’opposition s’était soudée contre Orban ? Cela tient d’abord au système électoral, taillé pour le parti au pouvoir, rapporte notre correspondante à Budapest, Florence La Bruyère. Ensuite le paysage médiatique est très déséquilibré. Le clan de Viktor Orban contrôle les médias publics et près de 500 médias privés. Il a investi 12 millions d’euros dans la publicité, y compris sur les réseaux sociaux. L’opposition a eu du mal à faire entendre son message.
Enfin, la guerre en Ukraine a servi de catalyseur. Le parti d’Orban n’a cessé de calomnier l’opposition, l’accusant de vouloir envoyer des Hongrois combattre en Ukraine, tandis que Viktor Orban se posait en apôtre de la paix. Le rival malheureux d’Orban, Péter Marki-Zay, s’est avoué très déçu. Au QG de l’opposition, plusieurs militants confiaient leur désespoir. Ils réalisent que le régime de Viktor Orban ressemble de plus en plus à une forteresse imprenable.
Un scrutin sous haute surveillance
Accusé par Bruxelles de multiples atteintes à l’État de droit, Viktor Orban a muselé au fil de ses 12 années au pouvoir justice et médias, tout en prônant une vision ultraconservatrice de la société. Le scrutin de ce dimanche s’est tenu pour la première fois sous la surveillance de plus de 200 observateurs internationaux. Chaque camp a aussi déployé des milliers de bénévoles.
La campagne électorale a été bousculée par le déclenchement de la guerre en Ukraine voisine. Viktor Orban s’est posé comme « un protecteur » de la Hongrie, un garant de paix et de stabilité, en refusant de livrer des armes à l’Ukraine et de voter des sanctions qui priveraient les Hongrois des précieux pétrole et gaz russes.
Parallèlement, sur les affiches électorales et dans les médias pro-Orban, Peter Marki-Zay a été dépeint comme « dangereux », accusé de vouloir précipiter le pays dans la guerre du fait de son ferme soutien à l’Ukraine. Le candidat a eu beau souligner la proximité cultivée depuis 2010 par le Premier ministre avec le président russe, le traitant de « Poutine hongrois », son discours n’a visiblement pas suffi à convaincre les électeurs.
Les Hongrois étaient par ailleurs appelés à répondre à quatre questions en lien avec la récente loi interdisant d’évoquer auprès des moins de 18 ans « le changement de sexe et l’homosexualité ». Un référendum « malsain » pour les ONG qui avaient demandé aux électeurs d’« invalider » leurs bulletins en cochant deux cases au lieu d’une. Les résultats sont attendus plus tard dans la soirée.
AFP