Considérant que la République de Guinée, après avoir rejoint les Nations Unies dès le 12 décembre 1958, a signé et ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques le 24 janvier 1978 ;
Considérant que la République de Guinée, en tant que membre fondateur de l’Organisation de l’unité africaine (ancêtre de l’Union africaine), a signé et ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples le 16 février 1982 ;
Considérant que la République de Guinée a signé et ratifié le Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité ;
Considérant que la République de Guinée a signé et ratifié le Statut de Rome en 2003, reconnaissant ainsi la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) pour connaitre des crimes les plus graves ayant une portée internationale, notamment des crimes contre l’humanité ;
Considérant par ailleurs que l’ensemble de ces textes garantissent à tout individu la jouissance des principaux droits civils et politiques et imposent aux États signataires des obligations juridiquement contraignantes en la matière ;
Constatant que le coup d’État intervenu en Guinée le 05 septembre 2021 sous la direction des colonels Mamadi Doumbouya (ancien commandant des forces spéciales), Balla Samoura (ancien coordinateur des unités de gendarmerie de la ville de Conakry) et Abdoulaye Keita (ancien commandant du Bataillon autonome des troupes aéroportées), et le pouvoir qui en est résulté a enregistré les 28 et 29 juillet des manifestations populaires violemment réprimées qui se sont soldées par plusieurs cas de morts.
Or, aucune enquête n’a été officiellement diligentée à date par les autorités de la transition et les corps des défunts n’ont pas été restitués aux familles endeuillées malgré les demandes formulées par celles-ci ;
Constatant le refus de la publication de la liste nominative des membres du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) ;
Considérant que le 1er octobre 2021, le colonel Mamadi Doumbouya a prêté serment pour l’exercice de la fonction de président de la transition, en jurant notamment de « consolider les acquis démocratiques, de garantir l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national » tout en s’engageant au respect par la République de Guinée de ses « engagements nationaux et internationaux » ;
Considérant le communiqué du 13 mai 2022 N°012/CNRD/2022 du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) prenant acte de l’adoption par le Conseil National de la Transition (CNT) d’une durée de trente-six (36) mois comme durée officielle de la transition, et cela en violation de l’article 77 de la Charte de la transition qui prévoit que « La durée de la transition sera fixée de commun accord entre les Forces Vives de la Nation et le Comité national du rassemblement pour le développement » ; Constatant par ailleurs l’interdiction sans fondement légal, à travers ce même communiqué du CNRD, de toutes formes de manifestations sur la voie publique ;
Considérant la déclaration de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH) du 14 mai 2022 appelant le CNRD à « œuvrer pour garantir le respect du droit à la manifestation conformément aux obligations internationales librement souscrites par la Guinée » en réaction au communiqué susmentionné du CNRD ;
Considérant que le Haut-commissariat des Nations-Unies pour les droits de l’homme dans un communiqué en date du 30 mai 2022 a fait remarquer que « Les mesures annoncées pour restreindre les rassemblements publics et les manifestations ne sont pas conformes aux principes de nécessité et de proportionnalité » avant d’ajouter « Nous notons que cette décision intervient à un moment où les acteurs politiques et la société civile du pays ont exprimé leur mécontentement après l’annonce des autorités militaires sur la période de transition en cours, qui durerait 36 mois » pour enfin inviter le CNRD à revenir sur cette
interdiction sans délai ;
Considérant l’exhortation, dans ce même communiqué, du Haut-Commissariat des Nations- Unies aux droits de l’homme à la junte au pouvoir en Guinée de « rétablir le droit de manifester sur la voie publique » en précisant que les mesures annoncées par les autorités de la transition « violent les normes des droits de l’homme et représentent un recul sur la voie du renforcement de la démocratie et du respect du droit » ;
Considérant enfin que dans un communiqué lu mardi 31 mai 2022 sur les antennes de la télévision nationale, la RTG, « …le CNRD et son président réitèrent qu’aucune marche ne
sera autorisée aussi longtemps que les garanties d’encadrement ne seront pas réunies », réaffirmant ainsi une interdiction permanente des manifestations sur la voie publique ;
Considérant que l’article 1.a du Protocole additionnel de la CEDEAO consacre l’indépendance de la justice dans la conduite des dossiers et le prononcé des décisions ;
Constatant toutefois le refus du parquet général de Conakry, malgré les demandes répétées des familles des victimes ainsi que de la presse libre, d’ouvrir une information judiciaire sur les événements du 05 septembre 2021 ayant conduit à de nombreux cas de mort, lequel parquet était dirigé par M. Alphonse Charles WRIGHT, aujourd’hui ministre de la Justice et des droits de l’Homme ;
Constatant que des acteurs de la société civile et des partis politiques qui dénoncent la conduite inadéquate de la transition font systématiquement l’objet de procédures et actions judiciaires à leur encontre, laissant ainsi planer le spectre de l’instrumentalisation de la justice ;
Que malheureusement les magistrats du parquet général près la Cour d’appel de Conakry ainsi que ceux d’autres juridictions du pays, ont trahi leur serment en poursuivant illégalement d’honnêtes citoyens par l’exécution des instructions données par le colonel Mamadi Doumbouya et de ses ministres, en particulier le ministre de la Justice et des droits de l’homme, garde des sceaux ;
Que par ces agissements, la Justice sert aujourd’hui d’instrument pour conduire la transition guinéenne vers un échec tout en facilitant la confiscation du pouvoir au bénéfice du colonel Mamadi Doumbouya et au détriment du souverain peuple de Guinée ;
Considérant que les responsables de la société civile, des partis politiques et les militants pro- démocraties, dans l’exercice de leurs droits de manifestation, ont ainsi agi
;
Considérant que les points ab initio et in fine du préambule de la Charte de la transition disposent que : « Nous, membres des forces de défense et de sécurité de la République de Guinée, regroupés au sein du Comité du rassemblement pour le développement…», « approuvons et adoptons la présente Charte de la transition dont le préambule est partie intégrante » ;
Considérant que le point 10 du préambule de la Charte de la transition réaffirme « Notre attachement aux valeurs et principes démocratiques tels qu’inscrits dans la Charte des Nations-Unies, la Déclaration des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du 30 janvier 2007 de l’Union africaine, ainsi que le Protocole A/SP1/12/01 du 21 décembre 2000 de la CEDEAO sur la démocratie, la bonne gouvernance et les élections ». Qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions susmentionnées du préambule, que ces traités et conventions, garantissant
conformément aux articles 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 11 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, 34 et 8 alinéa 2 de la Charte de la transition
guinéenne grandissant notamment l’exercice du droit de manifestation, font également partie intégrante de la Charte de la transition ; Qu’au regard de ce rappel, le caractère illégal et inconstitutionnel des communiqués du CNRD visant à interdire de façon générale et absolue toutes manifestations sur la voie publique est dès lors évident ;
Considérant que le FNDC a transmis, le 29 avril 2020, un signalement à la CPI de faits susceptibles de revêtir la qualification de crimes contre l’humanité en application de l’article 15 du Statut de Rome ainsi que les pièces qui l’accompagnent ;
Considérant que le mécanisme de suivi mis en place par le FNDC pour superviser les manifestations du 28 juillet 2022 fait état d’un bilan de 5 personnes civiles tuées par balles et de nombreuses autres blessées lors des journées du 28 et 29 juillet dans le Grand Conakry ; Que les autorités de la transition n’ont établi à date aucun bilan officiel ;
Qu’il résulte dès lors de ce bilan l’inobservation manifeste les 28 et 29 juillet des principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (principes adoptés par le huitième Congrès des Nations-Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants du 27 août au 7 septembre 1990 à la Havane) et des lignes directrices pour le maintien de l’ordre par les agents chargés de l’application des lois lors des réunions en Afrique (adoptées par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, lors de sa 21ème session extraordinaire tenue du 23 février au 04 mars 2017 à Banjul, République de Gambie) ;
Que ces manquements aux dispositions qui régissent le maintien de l’ordre traduisent l’usage illégal et disproportionné du recours à la force contre des citoyens guinéens ;
Que cette répression violente ainsi que les restrictions des droits civiques et politiques ont conduit à une dégradation inquiétante de la situation socio-politique dans le pays ;
Considérant l’impunité quasi-totale accordée aux membres des forces armées guinéennes et la décision prise par le ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation (MATD) dans sa déclaration N°612/MATD/CAB/2022 du 29 juillet 2022 de «faire réquisition aux forces de sécurité et de défense pour le maintien de l’ordre auprès des autorités décentralisées ou toutes autres en assumant les fonctions dans la limite prévue par la loi » ;
Constatant que cette impunité se manifeste essentiellement par la continuité des méthodes utilisées par le pouvoir pour faire taire toute forme de contestation, favorisant ainsi la reproduction dans les mois à venir, des évènements au moins aussi sanglants que les tragiques évènements enregistrés dans notre pays en 2009, 2019, 2020 et 2022 ;
Constatant que les forces de défense et de sécurité continuent de réprimer avec violence toute forme de contestation, en ayant recours notamment à un usage excessif de la force contre les manifestants, n’hésitant pas à tirer à balles réelles sur la population civile ;
Considérant le communiqué du G5 Guinée (Nations-Unies, CEDEAO, Union européenne, États-Unis, France), en date du 31 juillet 2022, exprimant sa vive préoccupation quant aux derniers évènements « dont la tournure violente a causé la perte de vies humaines, de nombreux blessés et d’importants dégâts matériels », déplorant « le recours excessif à la force et l’utilisation alléguée d’armes létales pour le maintien de l’ordre » et appelant à « diligenter une enquête sur les violations et abus des droits de l’homme » ;
Considérant le communiqué de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) du 1er août 2022 dans lequel elle « exprime sa profonde préoccupation face à la montée des tensions sociopolitiques en Guinée et déplore les violences qui ont eu lieu à Conakry les 28 et 29 juillet 2022, faisant de morts, de blessés et de la destruction de propriété » et sa « demande de libération des détenus et l’ouverture rapide d’une enquête sur les circonstances ayant conduit à ces malheureux incidents en vue de traduire les auteurs en justice, conformément à la loi ».
Considérant la résurgence des pratiques liberticides du régime précédent contre lesquelles le CNRD s’insurgeait et par lesquelles il justifiait son coup d’État du 05 septembre 2021 à savoir : arrestations et détentions arbitraires d’acteurs politiques et de la société civile, interdiction sans aucune base légale de sortie du territoire, kidnappings nocturnes, interdictions des manifestations pacifiques, entraves à l’exercice des libertés de réunion et d’association par l’occupation des sièges des partis politiques et des organisations de la société civile les plus représentatives, en l’occurrence l’UFDG, l’UFR, le RPG et le FNDC ;
Considérant enfin que des personnes ci-dessous nommées sont indubitablement responsables du refus systématique du dialogue avec les forces vives de la nation conformément à l’article 77 de la Charte de la transition pourtant adoptée par le seul CNRD ;
Qu’ils ont, à travers des fraudes, propagandes, mensonges, intimidations, interpellations, détentions arbitraires, complots, traitements inhumains et dégradants, favorisé, dans le sang et dans la douleur, la descente aux enfers de notre chère patrie ;
Que leurs agissements les disqualifient indéfiniment des valeurs cardinales de notre chère patrie ;
Que par leur comportement, la Guinée a failli à ses obligations internationales en matière de démocratie et de droits de l’homme ;
Qu’ils ont plongé la Guinée dans une crise qui rend fragile la paix et la stabilité sociale ;
Que leur moralité est incompatible avec les cinq (5) piliers qu’ils ont rendu public au lendemain du 05 septembre 2021 ;
Qu’ainsi ces personnes mentionnées ci-après constituent un danger pour la conduite de la transitionguinéenne en ce sens qu’elles sont directement ou indirectement liées à de nombreux crimes et violations des droits allégués ci-dessus ; qu’ils sont sans doute de probables acteurs de la répression sanglante et de la violation des droits de l’homme intervenues lors des journées du 27, 28, 29 et 30 juillet 2022 dont la finalité consiste à assurer au colonel Mamadi Doumbouya son maintien illégal au pouvoir ;
Que dès lors, il convient de les répertorier sur une liste publique pour faciliter d’éventuelles poursuites judiciaires à leur encontre ;
Qu’il nous appartient de porter à la connaissance de la communauté internationale et des organismes de défense des droits de l’homme ces graves violations des droits de l’Homme et leurs auteurs ;
Qu’en conséquence, les personnes figurant sur la liste ci-jointe doivent être tenues responsables de la répression sanglante et des violations des droits de l’Homme en cours en Guinée.
Conakry, 01 Aout 2022
Coordinateur National du FNDC
Dérogation de signature
Sékou KOUNDOUNO Responsable des stratégies et planification du FNDC