Cette tribune illustre les importunités gigantesques et les avantages importants que l’émission de Sukuk (emprunts obligataires islamique) pourrait offrir à l’État guinéen pour contribuer à la mobilisation des fonds supplémentaires. Elle met également l’accent, de façon générale, sur l’importance de la finance islamique en matière de mobilisation des fonds pour et le renforcement de la croissance macroéconomique et la construction des infrastructures publiques dans le pays.
La finance islamique s’impose de plus en plus dans le monde de la finance internationale. Elle se mondialise et se développe solidement, tout en fascinant les pays occidentaux et les institutions financières internationales et en excitant le monde entier.
Les plus grands financiers la considèrent comme une innovation financière et participative dans plusieurs paramètres de l’économie internationale en matière d’offre et de maîtrise de risques, car elle favorise l’équité, l’éthique et la transparence dans l’investissement socialement responsable.
Le volume de Sukuk émis à travers le monde en 2018 est estimé à plus de 530.4 milliards USD) et plus de 491.7 milliards USD en 2019 selon un rapport de l’IFSB. Ces chiffres démontrent que les Sukuk représentent une importance manne financière dans le marché mondial.
Qu’est-ce qui est donc ce concept ou ce modèle de finance islamique ? Le Sukuk, qui est un emprunt obligataire, peut être défini comme « … des titres à valeurs égalés représentant des parts indivisées dans la propriété d’actifs tangibles, d’usufruit, de prestation de services, d’actif d’un projet spécifique ou d’une activité d’investissement particulière ». Son mode d’emploi consiste en l’utilisation des fonds générés après la clôture des souscriptions et la collecte de la valeur des Sukuk émis, conformément à l’objet d’émission. L’ingénierie financière de ce modèle novateur le rend très attrayant, d’où son expansion remarquable ces dernières années à travers le monde.
Par conséquent, plusieurs pays africains se lancent depuis quelques années dans cette finance d’éthique et prometteuse. Présentement, les différents gouvernements de l’espace UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) ont déjà élaboré un cadre règlementaire à travers la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour réglementer l’émission des Sukuks souverains dans leur zone. Des États de l’UEMOA ont déjà émis des Sukuks (Bon du Trésor) à hauteur des centaines de milliards de francs CFA.
En effet, le Sénégal, le Mali, le Niger et le Togo ont tous émis des Sukuk pour le financement d’infrastructures publiques. D’autres pays de la sous-région connaissent une expansion considérable dans l’émission des sukuks. C’est le cas, par exemple, du Nigéria (le géant économique de la sous-région) et de la Gambie, dont l’émission représente plusieurs millions de dollars. Aujourd’hui, la valeur des Sukuk se chiffre par des centaines de milliards de CFA dans la zone des États Sahélo-Sahariens.
Précisément, au Sénégal, le 20 juin 2016, une opération a levé une enveloppe de 150 milliards de FCFA soit 228,6 millions d’euros, et une autre a réussi à lever 200 milliards de F CFA (341,5 millions de dollars), et ce, dans le cadre de Sukuk.
D’autre part, en Côte d’ivoire, le gouvernement ivoirien a lancé, le 20 novembre 2015, l’émission de son premier Sukuk d’une somme de 150 milliards de FCFA. En août 2016, le trésor public ivoirien a lancé un autre emprunt Sukuk d’une valeur de 150 milliards FCFA. De même, le Mali a émis son premier Sukuk d’un montant de 150 milliards de FCFA sur le marché régional, depuis février 2018. De plus, le Togo, pour sa part, compte mobiliser un montant à hauteur de 150 milliards de FCFA 2016). D’autre pays ont également émis des Sukuk dans l’espace UEMOA.
La Guinée va-t-elle saisir cette opportunité pour diversifier ses sources de financement public ?
Nous osons croire que l’État guinéen va s’intéresse prochainement à la levée de fonds à l’émission des Sukuks. Par ce mécanisme, la Guinée pourrait davantage mobiliser des fonds dans le cadre de la construction de ses infrastructures publiques, toutes catégories confondues. Quand l’État aura envisagé l’émission des Sukuk, il pourrait mobiliser des fonds auprès des établissements de crédits islamiques au niveau régional et international.
En effet, j’ai la conviction que la Guinée peut se faire une place de choix et attractif dans le secteur de la finance islamique dans notre zone, vu ses valeureuses relations historiques avec les pays de Moyen-Orient, pays du Maghreb-Arabe et de l’Asie.
Parlant de l’importance d’émission de Sukuk en Guinée, notre pays est membre fondateur de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et de la Banque islamique de développement (BID) et tant d’autres institutions islamiques. Nous pouvons exploiter ces avantages au développement de ce marché efficace de Sukuk. Par conséquent, la Guinée ne doit pas attendre trop longtemps pour développer ses propres ingénieries financières islamiques pour profiter de son marché des emprunts obligataires. Nous pouvons alors profiter de nos relations privilégiées avec les pays du Golf afin de renforcer notre coopération d’affaire pour attirer les fonds arabes et islamiques pour la promotion de la transformation de nos produits nationaux et la construction des infrastructures publiques, comme les routes, les barrages, l’agriculture et dans les domaines de la santé et l’éduction.
En outre, une raison pour laquelle le Sukuk promet d’être un moyen pour aider le pays afin de soutenir ses projets de développement socioéconomique est que le Sukuk participe à la stabilité financière dont nous avons tant besoin en Guinée. Son coût est inférieur par rapport aux conditions financières classiques. Contrairement aux prêts « conventionnels » qui peuvent subir des variations drastiques des taux d’intérêt en raison de changements dans la côte de crédit ou l’inflation. Une autre raison importante en faveur des Sukuk est que leur émission est pratiquement identique au financement de projets du secteur privé et public. Il faut souligner que le Royaume-Uni a émis récemment des émissions de Sukuk en renforçant ses liens de coopérations avec les pays du Golf. Il a aussi agréé d’importants établissements financiers islamiques. Plusieurs pays occidentaux lui ont emboîté le pas. Actuellement, les pays comme Hong Kong et l’Irlande ont procédé à des réformes de leur cadre fiscal qui permettent l’émission et la promotion des Sukuk, en traitant ces instruments financiers d’une manière similaire aux obligations conventionnelles tout en tenant compte de ses spécificités.
Par ailleurs, les accords fiscaux et les financements des Sukuk entre les pays promoteurs de la finance islamique (tels que ceux l’Afrique du Nord et de l’Asie du Sud-Est) et les pays occidentaux ont considérablement augmenté au cours de la dernière décennie. Ces expériences nous laissent croire que les Sukuks sont devenus un modèle incontournable de la reprise économique d’un pays. En outre, les Sukuk peuvent également jouer un rôle primordial au secours des secteurs du marché, tels que les industries et les immobiliers.
Somme toute, vu tous ces avantages économiques et financiers, il est important que la Guinée emboite les pas à ses pays voisins pour prendre en compte la finance islamique dans son écosystème financier en adoptant ce modèle et l’harmonisant avec les modèles classiques dans le but de mener une politique de pluralismes dans l’attraction des investissements étrangers pour les secteurs privés et publics.
Il est ici recommandé que l’État, à travers la Banque centrale (BCRG), les ministères du budget et celui de l’économie et des finances puisse, envisager le lancement des Sukuk souverains pour mobiliser plus de fonds pour le développement des infrastructures et des industries de qualité avec des coûts raisonnables, moins de risques et très attractifs pour aller au-delà de nos bailleurs de fonds traditionnels. Les Sukuk sont aussi à même de contribuer à accroitre la stabilité financière de notre pays ainsi que l’amélioration du PIB et la croissance des indicateurs macroéconomiques du pays dans une dynamique d’émergence socioéconomique plus large, une croissance forte et profitable pour le pays et les citoyens.
MANSARE Ibrahim
Spécialiste de la Finance Islamique
Secrétaire Général Adjoint de l’Association Guinéen pour la promotion de la Finance Islamique en Guinée (AGFI)
E-mail : ibramansaren@gmail.com
