LA PISTE DE LA DELEGATION RELEVEE PAR CERTAINS COLLEGUES Y COMPRIS Biss Kan (qui a présenté un exposé de caractère doctrinal très pertinent sur cet aspect précis) ET REPOSANT SUR L’ACCORD DU PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE appelle quelques remarques :
Tout d’abord, en droit constitutionnel tchadien le détendeur du pouvoir (au sens de la souveraineté ? ) est, de droit constant, le peuple (dans toutes les Constitutions d’après la Conférence nationale Souveraine de 1973 y compris celles de 2018 et 2020 ; art.3 C°).
Or, dans la doctrine (puisqu’il s’agit d’une ouverture doctrinale) de la souveraineté populaire, la délégation de pouvoir faite par le peuple au bénéfice de ses dirigeants est PRECAIRE ET REVOCABLE, dans les limites temporelles et matérielles du mandat. En ce sens, l’inexistence d’un mandat impératif ne fait pas échec à ce que l’entente entre acteurs politiques en violation de la constitution et ayant pour effet la confiscation du pouvoir soit considéré comme, en tout état de cause, inconstitutionnelle, étant entendu que ce pouvoir ne leur appartient pas mais il appartient au peuple; peuple exclu du processus.
Ensuite, le mandat représentatif dont sont investis les dirigeants ne va pas jusqu’à leur conférer le pouvoir de décider, selon leur bon vouloir, du contournement des prescriptions constitutionnelles que le peuple considère comme encadrant les modalités de la dévolution du pouvoir.
Dans ces deux cas, outre le débat peu pertinent sur l’inconstitutionnalité du processus – en raison de l’évidence du contournement du cadre préétabli – la question de la légitimité du processus devrait suggérer une rigoureuse prise en compte de la volonté du peuple (consultation de partis politiques, sociétés civile….) y compris d’une manière différence de celle de l’expression classique dans le cadre de référendum, étant entendu l’urgence. D’ailleurs, sait-on que sur ce point, que la C° suspendue prévoit des pouvoirs exceptionnels au bénéfice au Président et, en conséquence, de l’intérimaire, pour conjurer les situations de crise.
Nul besoin de relever l’antériorité de la création du Comité militaire sur la prétendue entente ( étant entendu la mention « l’Assemblée nationale PREND ACTE DE LA CREATION DU COMITÉ MILITAIRE » qui donne des raisons légitimes de douter de la régularité du consentement du Président de l’AN qui, en tout état de cause, n’a pas pouvoir de décider de renoncer à la succession au nom des 2e 3 et 4e vice-présidents (étant entendu l’inexistence matérielle du Sénat prévu par la loi constitutionnelle de 2020).
Enfin, il résulte de ces considérations que le débat pertinent se situe davantage sur la question de la légitimité que sur celle très évidente de l’inconstitutionnalité. Même dans ce premier cas, reposer ce débat sur la légitimité sur le contexte de crise ou l’efficacité de l’action militaire au Nord reviendrait à laisser croire que l’action militaire pour repousser une menace à l’intégrité est plus efficace lorsque les militaires dirigent l’Etat que lorsque celui-ci est dirigé par les civils. Or, une démarche empirique comparée du fonctionnement des Etats n’accrédite pas nécessairement ce postulat.
Jean Paul KOTEMBEDOUNO